Lors d’une première rencontre, nous cherchons toujours à cerner la personne qui nous fait face. Dans cet ultime opus de la saison, la tâche s’annonce ardue. Il est perturbant d’imaginer uniquement notre hôte, le photographe Jérémie Villet, comme un intrépide et téméraire explorateur des contrées polaires. Notre imaginaire nous trompe tant il nous projette immédiatement la stature d’un colosse audacieux. La surprise est d’autant plus grande que sa photographie est empreinte d’un art subtil de l’effacement. C’est encore plus troublant. C’est donc avec un certain émoi que nous accueillons Jérémie Villet à nos micros. Nous espérons percer certains secrets qui l’ont conduit au firmament de la photographie de nature. Son parcours illumine déjà la scène mondiale des auteurs du genre. Auréolé d’un Wildlife Photographer of the Year en 2019 alors qu’il n’a que 27 ans, il fait preuve d’un talent, précoce mais aussi d’une singularité déroutante. Insaisissable, rêveur, idéaliste, discret, poète, talentueux, conteur… reviennent souvent pour définir le parcours du photographe devenu un homme public. Tout cela, au commencement, ne semblait pas prémédité, ni espéré. Au dos de son magnifique ouvrage (Première Neige aux éditions du Chêne) on peut lire : « Chaque année lorsque la neige tombe pour la première fois avec les dernières feuilles d’automne, les paysages blancs forment un décor parfait. La neige efface le superflu, balaie l’excès et fait ressortir l’essentiel. » L’artiste, dans ces moments de grâce et de pureté qu’il poursuit fiévreusement, fait parler une sensibilité exacerbée au cœur des régions glacières les plus inhospitalières de la planète, loin des hommes et où tout est recouvert d’un blanc immaculé. Ses clichés dessinent une carte instinctive de ses émotions qui jalonne une quête des sens, magnifiée par son engagement artistique qui s’imprime dans nos esprits. Il n’ y a aucune frontière entre ses rêves et la réalité. C’est un premier enseignement qu’on reçoit. Jérémie pourrait bien être la réincarnation du Petit Prince d’Antoine de St Exupéry : « S’il te plaît, dessine moi… ». Au coin du feu, Arthur et Benjamin convient l’artiste à nous ouvrir son cœur et initier une trace chamanique, par des mots cette fois-ci. Le temps de cette émission, nous tombons à notre tour dans cette extase qui doit, nous pensons, éclairer un peu plus sur notre rapport au monde sauvage. Bonne écoute !

Photo : Contemplation – © Jérémie Villet